Photographie illustrant un motif arabesque traditionnel

L’histoire du motif arabesque


Les origines du motif arabesque remontent à l’Antiquité. Depuis, il s’est diffusé de l’Europe au Japon en passant par l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient. 

Tant d’ornements ont été qualifiés d’« arabesques » au fil du temps qu’il est facile de se perdre dans cette profusion de courbes, volutes, contre-volutes et entrelacs d’inspiration végétale. En réalité, ce motif s’envisage comme une sorte de « fil d’Ariane » qui relie différentes époques, cultures et styles ornementaux. Retraçons le parcours de ce motif inspiré de la culture du monde qui inspire autant les artistes que les décorateurs. 


Qu’est-ce qu’un motif arabesque ?

Définition 

D’après le Robert, le motif arabesque est un « ornement formé de lettres, de lignes, de feuillages entrelacés ». D’un point de vue esthétique, il s’agit d’un ensemble de courbes ondoyantes entrelacées, inspirées de formes végétales stylisées (feuilles, tiges, fleurs, fruits). La composition d’un motif arabesque a la particularité d’être symétrique et/ou répétée : elle peut se prolonger en se répétant à l’infini. D’inspiration naturaliste, mais pas réaliste, elle respecte généralement une certaine forme d’abstraction par rapport à l’apparence naturelle des végétaux pour en saisir l’essence.

D’où vient le nom « arabesque » ?

Le terme « arabesque » apparaît durant la Renaissance pour nommer un style de motif décoratif omniprésent dans l’art islamique. Dérivé du mot « arabe », ce qualificatif met l’accent sur l’origine arabo-musulmane de ces ornements caractéristiques, composés de plusieurs lignes sinueuses entrecroisées et de « rinceaux » (motifs d’inspiration végétale, représentant une tige recourbée en spirales agrémentée de feuillages, de fleurs ou de fruits stylisés) À l’époque, les motifs arabesques portent aussi le nom de « moresques » ou « mauresques ». 


Photographie illustrant un motif arabesque de la renaissance


Les origines du motif arabesque, de l’Antiquité au Moyen Âge

Les racines de l’arabesque remontent à l’Antiquité, période durant laquelle les civilisations égyptienne, mésopotamienne, grecque et romaine recourent régulièrement aux motifs inspirés de la nature. Les motifs végétaux sont figuratifs, représentant directement des guirlandes et enchevêtrements de plantes destinées à orner temples, palais et objets d’art. De nombreux vestiges grecs montrent encore aujourd’hui que les rinceaux d’acanthes ou les palmes étaient très prisés dans l’architecture. 

Dans la Rome antique, les motifs végétaux stylisés s’associent à des représentations humaines et animales. Ces combinaisons inspireront d’ailleurs plus tard la Renaissance et l’art grotesque, comme nous le verrons plus loin. 

Au Moyen Âge, avec l'essor de l'Empire byzantin et la diffusion de l'art islamique, le motif végétal stylisé commence à se détacher de ses racines figuratives pour devenir plus abstrait et répétitif. En Europe, ce type de motif est récurrent dans l’art de l’enluminure, comme le prouvent l’illustration et le décor des manuscrits médiévaux. Il semble même avoir voyagé jusqu’en Asie, réinterprété au Japon pour devenir un motif traditionnel nommé karakusa.  

Entre le Xe et le XIe siècle, le rinceau d’acanthe naturaliste évolue vers des formes plus épurées, tendant à l’essentiel. Cette transformation est particulièrement visible dans l'art islamique, qui, pour des raisons religieuses, privilégie les formes abstraites. L’arabesque, dans sa forme purement végétale et géométrique, trouve alors son expression la plus aboutie.


Photographies illustrant les différences entre les motifs de l'Antiquité et de la Renaissance


Un élément de base de l’art décoratif islamique

L’arabesque devient un motif fondamental de l’art décoratif islamique à partir du VIIIe siècle. La réticence à représenter des figures humaines et animales conduit les artistes musulmans à se tourner vers des motifs géométriques et végétaux et pour décorer les lieux de culte, les manuscrits, les objets de la vie quotidienne. Ils font aussi partie intégrante de l'architecture de nombreux édifices.

L’arabesque représente l’ordre divin et l’harmonie universelle. Les formes végétales stylisées, s’enroulant et se répétant à l’infini, symbolisent la nature éternelle de la création et l’omniprésence divine. Ce motif est souvent utilisé pour décorer les céramiques à l’intérieur et à l’extérieur des mosquées, des palais, sculpté dans le bois des chaires de sermon (minbar), intégré à des tapisseries... À travers l’arabesque, les artistes cherchent à capturer la beauté et la perfection du monde créé par Dieu, sans recourir à la figuration directe.

Dans l’art islamique, le motif arabesque n’est jamais uniquement végétal, il s’associe généralement à des motifs géométriques (octogones, étoiles à huit branches…) et calligraphiques. Les entrelacs complexes des arabesques combinés aux formes géométriques répétitives créent des compositions visuellement riches qui attirent l'œil vers l'infini, rappelant l’omniprésence de Dieu. Les éléments calligraphiques reprennent souvent des versets du Coran, renforçant ainsi le message spirituel de l’œuvre. La combinaison de ces trois formes permet de créer de compositions décoratives symboliques et complexes, où le motif végétal se mêle aux formes géométriques et aux lettres arabes pour créer une œuvre unifiée et harmonieuse.


Photographie illustrant un motif arabesque traditionnel de l'art islamique


Le motif arabesque moderne dans la culture occidentale

Art grotesque et arabesque

Le lien entre le motif arabesque et l’art grotesque nécessite une remise en contexte. Apparu durant la Renaissance, l’art grotesque est ainsi nommé parce qu’il s’inspire de vestiges antiques mis à jour à la fin du XVe siècle. Ces anciennes villas romaines enfouies ayant des allures de grottes, les fresques qu’elles révèlent sont dès lors nommées « grotesques ». Mêlant formes humaines, animales et végétales dans un style ornemental élaboré, ces décors inspirent immédiatement les grands peintres de la Renaissance, dont Raphaël. À la fin du XVI e siècle, le style grotesque s’éloigne des références antiques qu’il cherchait à imiter. Il tend vers des compositions graphiques reposant sur l’assemblage fantaisiste d’éléments architecturaux, de figures humaines et animales, de créatures chimériques hybrides et d’objets décoratifs (fleurs et feuilles en bouquets, en vases, en guirlandes…) 

C’est vraisemblablement à cause de l’omniprésence d’entrelacs répétitifs de formes mi-végétales, mi-animales que le style grotesque est régulièrement qualifié d’« arabesque » entre le XVIIe et le XVIIIe siècle. Et ce, malgré son naturalisme encyclopédique, qui le différencie clairement de l’iconographie de l’art islamique. 

Cette confusion de genres regroupés sous une même appellation subsiste encore de nos jours : elle fait de l’« arabesque » un terme ambigu, et du « motif arabesque » un objet graphique offrant une grande liberté créative !

Étonnamment, l’arabesque est aussi liée aux célèbres motifs bleus qui font la renommée des faïences de Moustiers. C’est en effet sous l’influence du style Bérain (ornemaniste connu pour avoir renouvelé et allégé les motifs grotesques) que leurs premières arabesques ont été esquissées.

Au XVIIIe siècle, les grotesques et le motif arabesque influencent fortement l'art décoratif européen. Notamment dans les styles Rococo et Baroque, caractérisés par des ornements exubérants, alambiqués et inspirés par des formes végétales. Ces motifs prennent une tournure résolument figurative, mais conservent néanmoins l'idée de lignes entrelacées et fluides, héritées de l'arabesque islamique.  


Photographie illustrant un motif arabesque art nouveau de William Morris

Motif arabesque Acanthus de William Morris

Art Nouveau

L'Art nouveau, à la fin du XIXe siècle, est le mouvement artistique qui adopte pleinement le motif arabesque dans sa version moderne. Ce courant artistique, qui s'inspire largement des formes naturelles, cherche à réinventer l’ornementation en s’éloignant de la symétrie stricte pour embrasser des lignes courbes et organiques. L’arabesque devient alors un symbole de renouveau artistique et un hommage à la nature, tout en conservant ses racines orientales. Des artistes tels que Gustav Klimt ou Antoni Gaudi intègrent ces motifs dans leurs œuvres, créant des formes tourbillonnantes qui marquent cette période de manière indélébile.

Le motif arabesque n’a pas attendu que l’Occident lui donne son nom pour s’enrichir au contact de plusieurs civilisations. Véritable témoignage de la richesse des échanges culturels à travers l’histoire, il a permis de créer des œuvres ornementales qui continuent à fasciner par leur complexité, leur harmonie et leur symbolisme universel.


L’arabesque dans les arts contemporains

Aujourd’hui, le motif arabesque reste une source d’inspiration inépuisable pour les créateurs et designers du monde entier. Que ce soit dans le design décoratif, la peinture ou même la broderie, ce motif islamique continue de s’imposer comme un élément incontournable des arts décoratifs. Les pochoirs modernes permettent de reproduire des motifs arabesques complexes et répétitifs, rendant ces formes accessibles pour la décoration intérieure contemporaine. Ces motifs ne se limitent pas à leur dimension historique : ils se réinventent dans des formats modernes, des collections exclusives, et des produits premium, qu’il s’agisse de textiles, de tapisseries, ou d’objets d’art. Les artistes et artisans revisitent les arabesques florales, souvent en noir et blanc, pour créer des œuvres contemporaines inspirées de la tradition tout en répondant aux goûts actuels.

Les icônes du luxe et les grandes marques d’artisanat ont également intégré l’arabesque dans leurs créations, notamment avec des motifs étoilés et des formes géométriques répétitives. Ces derniers trouvent leur place dans des objets de haute qualité, qu’ils soient réalisés à la main ou imprimés à l’aide de techniques modernes comme la gravure numérique ou la sérigraphie. Ces motifs sont particulièrement prisés pour des applications spécifiques, comme la conception de fonds décoratifs, de tapis, ou encore de mosaïques.

Dans la culture contemporaine, l’arabesque transcende son origine pour devenir un symbole universel d’élégance et de raffinement. Que ce soit dans les dessins géométriques vintage, les ornements floraux, ou même les modèles de peinture abstraite, ce motif continue de captiver par ses lignes fluides et sa capacité à créer une harmonie visuelle. Les artistes modernes explorent l’intersection entre le motif traditionnel et l’innovation artistique, souvent en mêlant les arabesques traditionnelles aux éléments typiques de l’Art déco ou de l’Art nouveau. L’arabesque s’invite aussi dans la création de produits du quotidien, comme des pages d’albums, ou encore des produits de luxe décoratifs. En format métré, ces motifs se retrouvent sur des textiles destinés à l’ameublement ou à la mode.